Le flux ininterrompu des data nous avait fait paniquer, un moment.
Nous avons cru qu’il fallait allumer des contrefeux avec emphase, mimer la haute-culture ou ce qu'on croyait tel, rendre la citadelle imprenable.
D’autres jours, humiliés par un éditorialiste, nous en appelions au concert de musique contemporaine avec des promesses de dentiste :
« Ça ne fera pas mal, ce ne sera pas long, il y aura un D-Jay sur le coup des onze heures ».
Mais la nouvelle génération de compositeurs ne l’entend pas de cette oreille,
et ce qu’elle a à nous dire change considérablement l'humeur générale.
« Pas sans l’Histoire », disait-on dans les années 80. « Mais pas sans l’histoire des avant-gardes », disent-ils aujourd’hui.
Qu’un rassemblement musical s’organise dans l'amitié et sans pompe,
qu’une œuvre ou une performance obstinée donne quelque chose à penser à l'auditeur, et fasse apparaître l'inapparu,
qu’un corps musicien se laisse traverser par une étincelle de Nouveau — et la machine à jouer se remet à vrombir.
Les concertos néo-classiques pourriront bientôt sur leur branche, vous verrez, comme tout ce qui plaît à tous sans être désiré par personne.
Des controverses ont surgi face à l’élargissement soudain du panorama concertant : l'art sonore, la lutherie sauvage, les lumières pop.
Laissons les querelles se déployer, battons-nous pour éprouver nos nerfs, puis fumons des clopes et fraternisons :
Karlheinz Stockhausen et Simon Steen-Andersen, dans l’intervalle, auront trouvé un espace-temps commun, qui nous paraîtra parfaitement habitable.
Bon — assez avec ce ton de futurologie !
Voici la saison. Et, si vous le voulez, écrivez-nous par email :
en français à Jean-Luc Plouvier, en néerlandais à Tom Pauwels, en anglais à Tom De Cock.
NOUVELLES PRODUCTIONS
LIQUID ROOM VIII : PHRASES
Kokoras, Perini, Steen-Andersen, Heidsieck, Hoffmann, Bernhard Lang, Filidei, Stangl, ...
Nouvelle édition annuelle de notre série Liquid Room au Kaaitheater, un concert-festival transdisciplinaire sur plusieurs podiums.
Le mot-clé Son a dominé le champ musical depuis le début des années 80,
charriant avec lui tout un mode de pensée d'une grande fécondité : textures, espaces, vibrations, statisme, deep listening.
Entre parole et discipline rythmique, le mot Phrases embraie sur une pensée toute différente :
un vitalisme fait d’accents et d'élans, de circuits énergétiques, de gestes, d’adresses.
Ce concert mettra en contact la poésie orale, la performance sonore, quelques inflexions modales
et une touche de virtuosité animale (groaaaAAar !) autour d’une hypothèse toute simple :
la musique n’est pas le son.
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MITRA
Bruxelles, Kunstenfestivaldesarts : Jorge León, Eva Reiter, George van Dam
A l’intersection de l’opéra, du cinéma documentaire et de l’installation, Mitra cerne la figure tragique de l'héroïsme féminin.
En 60 minutes et sur deux écrans, il présente le combat de personnages réels vivant en Iran et en France, aux prises avec la machinerie psychiatrique.
Mode de parole : le email.
Le cinéaste Jorge León et la compositrice Eva Reiter en quête de nouvelles formes.
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ALEXANDER ZEMLINSKY : DER ZWERG
Franck Ollu, Daniel Jeanneteau, Mathias Vidal | Opéra de Lille
"Le Nain", 1922 : dans ce court opéra — donné ici avec orchestre de chambre et une distribution particulièrement jeune —
Zemlinsky déploie une musique ruisselante de couleurs, comme pour exhiber sous la plus vive lumière la cruauté du conte d'Oscar Wilde.
Daniel Jeanneteau, le metteur en scène : Cela commence comme un divertissement frivole et charmant, change de registre en cours de route,
change même de théâtralité, pour précipiter soudainement en une fin d’une brutalité rare.
Cela commence comme un tableau de cour de Velasquez, et finit comme une peinture noire de Goya.
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AMIR ELSAFFAR : INTERSTICES
Programme des Musiques Transculturelles, Royaumont
Musique modale des maqâms. Le mode est un monde, le mode est un mood :
celui du midi n'est pas celui du soir, la louange d'être en vie n'est pas la malédiction amoureuse.
Américain d'origine iraquienne, Amir ElSaffar a brûlé ses vingt ans dans l'étude des maqâms. Puis il a traversé beaucoup de musique occidentale :
la musique classique et le jazz — surtout le jazz (on l'a entendu avec Aka Moon).
A la trompette comme au chant, la justesse de son phrasé bouleverserait un caillou.
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SYMPOSIUM : SOUND AND PARTICIPATION
Avec QO2 à Gand et Bruxelles.
Art sonore, art relationnel et pratiques collectives : 5 jours de conférences et d'ateliers.
Intervenants : Bill Dietz, Manuela Naveau, Brandon LaBelle, Carolyn Chen, David Helbich, Tarek Atoui,
Frederic Leroy, Anna Raimondo, Care of editions, James Saunders.
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DONAUESCHINGEN : 4 PREMIERES
Francesca Verunelli, Hanna Eimermacher, James Saunders, Martin Schüttler
Aux Donaueschinger Musiktage, nouvelles œuvres de quatre compositeurs de premier plan.
Travail sur le matériel autobiographique des interprètes chez Schüttler ;
pleine utilisation de l'espace scénique chez Eimermacher ;
battle entre un flûtiste et un piano MIDI chez Verunelli ;
étude sur les réflexes, les signaux, la réactivité chez Saunders.
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KARLHEINZ STOCKHAUSEN : 4 CONCERTS
Kontakte, Mikrophonie, Für Kommende Zeiten, etc
Le prophète de la tabula rasa, c’était lui — l'expression était angoissante, reconnaissons-le,
mais cette joie sans remords d’en finir avec « une époque sans goût » rayonne toujours de force et de beauté.
Quatre concerts (aux Images Sonores de Liège et au Bijloke de Gand) permettront de se replonger
dans les tournoiements inouïs de Kontakte, de saluer le microphone comme nouvel instrument (Mikrophonie)
et de découvrir les partitions-poèmes de Für Kommende Zeiten.
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NOé SOULIER : SECOND QUARTET
Noé Soulier + Tom De Cock
Le chorégraphe Noé Soulier, qui cite Proust — « l’acte le plus simple reste enfermé comme dans mille vases clos » — travaille ici avec la « mémoire diffuse » :
gestes suggérés, évoqués, capturés en équilibre entre mémoire et action.
C'est notre première collaboration avec Noé Soulier : Tom De Cock et lui ont construit une bande-son pour percussion
à partir des correspondances entre geste dansé et geste instrumental.
Le site de Noé Soulier
NOUVEAUX CONCERTS
TRANSPARENZ
Hanna Eimermacher (à l’Opéra de Lille)
C'est l'obsession contemporaine : faire musique de tout. Nul objet n'est indigne.
Seuls les humains risquent de n'être pas assez éveillés, ou trop peu à l'écoute.
Un coquillage ? — Musique. Un papier froissé ? — Musique. Et ces trois bouteilles ? — Trois fois musique :
on peut les caresser, ou frapper doucement leur carapace translucide, ou moduler son souffle dans leur goulot comme on le ferait d'une flûte.
En accompagnant son trio de bouteilles d'un doux écrin d'électronique qui évoque tout à la fois l'eau, le verre et la lumière,
la compositrice Hanna Eimermacher fait trembler les frontières, mine de ne pas y toucher, entre "musique" et "art sonore".
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HORIZONS
Konzerthaus Wien : Klaus Lang, Pierluigi Billone, Eva Reiter, Marko Ciciliani
Concert de chambre à Vienne : la vitesse machinique d’Eva Reiter, toujours en avant d’elle-même,
contraste avec le temps horizontal de Klaus Lang et Marko Ciciliani.
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ARS NOVISSIMA
With ClubMed (Thomas Baeté) and Michaël Liberg | José Sanchez-Verdù, Klaus Lang, etc
Nous accompagnerons le ClubMediéval de Thomas Baeté dans leur lecture de Paolo di Firenze (XIVe).
Au centre de la soirée, une création de Michaël Liberg, inspirée tout à la fois par la modalité médiévale et l'électronique de Brian Eno.
Liberg est compositeur, chanteur, joueur de luth pour Jordi Savall et de Minimoog le dimanche,
inventeur d’une très belle chimère de lutherie-fiction, le “cistre à archet”. A l'Eglise de la Chapelle.
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ROMANTISME NOIR
Strauss, Zemlinsky, Mahler, Schnittke, Rihm (à l’Opéra de Lille)
Quelques pépites du postromantisme, dont le rare Mouvement pour quatuor avec piano de Gustav Mahler,
dû à la plume d'un génie de seize ans, déjà inimitablement lui-même.
Mais voilà que les Modernes s'en mêlent, et que tout se corse :
Alfred Schnittke se pique d'écrire d'après esquisses le second mouvement de l'œuvre de Mahler,
et l'auditeur se retrouve embarqué dans un infernal manège à la Hitchcock.
Et lorsque débarque Wolfgang Rihm s'inspirant de Robert Schumann, là, le concert vire carrément au cauchemar.
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DEPLORATIO
José Sanchez-Verdù, Klaus Lang, SofiaGubaidulina (à l’Opéra de Lille)
Tout à la fois orgue miniature et instrument à vent, l'accordéon fait entendre comme nul autre medium le jeu de l’inspir et de l’expir,
le rythme du souffle qui sculpte la phrase musicale. Sanchez-Verdù, Lang et Gubaidulina excellent à faire ressentir,
sous les sonorités modernes, cette grande haleine universelle et intemporelle.
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PARCOURS MUSICAUX
For Kids Only, à l’Opéra de Lille :
Alessandro Perini, Igor Stravinsky, Sofi Gubaidulina.
PIERLUIGI BILLONE : OMON
Tom Pauwels, Yaron Deutsch (aux Brigittines)
Une gigantesque vague de son, une matière en fusion, une plongée introspective dans le son électrique :
Omon pour deux guitares électriques de Pierluigi Billone est un tour de force de 80 minutes.
SALVATORE SCIARRINO : Flûte et alto
Chryssi Dimitriou, Jeroen Robbrecht (aux Brigittines)
Une collection de joyaux instrumentaux faits de souffles, de claquements de langues, de sonorités gommées par la pudeur et la distance,
habitées pourtant par la violente exultation de qui prétend n’utiliser l’instrument qu'à l'envers de tous les usages.
On ne jouait que lui, dans les années 1990. Avec un peu de recul, on s'aperçoit combien la musique de chambre de Sciarrino a bien vieilli
et a marqué son temps : on croirait ouvrir l'archive sonore de quelque tribu impossible décrite par Henri Michaux.
EN TOURNEE : SPECTACLES
VORTEX TEMPORUM
Anne Teresa De Keersmaeker, Gérard Grisey | Berlin
Toute modestie bue : un pur classique.
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WORK TRAVAIL ARBEID
Anne Teresa De Keersmaeker, Gérard Grisey
A Luxembourg et Berlin, la transmutation muséale du spectacle Vortex Temporum.
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MEYOUCYCLE
Eleanor Bauer, Chris Peck
« On est avalé par l’intensité de cette messe noire politique, de ce rite dansé en faveur des surmenés »,
écrit Thomas Hahn sur le site Danser Canal Historique.
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CONCRETE
Maud Le Pladec, Michael Gordon : à Orléans
L’OVNI de Maud Le Pladec tourne toujours, dans sa vapeur bleu-électrique.
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AN INDEX OF METALS
Chez BOZAR : Fausto Romitelli, Paolo Pachini, Kenka Lekovitch
L’étoile de Romitelli n'en finit plus de monter : et ce n'est qu'un début.
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UN SACRE DU PRINTEMPS
Daniel Linehan, Igor Stravinsky
Un coup de fraîcheur, notait Le Monde. Et c'est au Kaaitheater, enfin !
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23 RUE COUPERIN
Karim Bel Kacem, Alain Franco
Quel est le point commun entre les compositeurs Mozart, Debussy, Couperin, Gounod ? Ils ont donné leur nom à l’une des barres d’immeubles du « Pigeonnier » d’Amiens, foyer d’émeutes répétées dans les années 90… « Plus le bâtiment était disgracieux, plus le compositeur qui lui prêtait son nom était célèbre ».
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EN TOURNEE : CONCERTS
LES DESINENCES
Michael Levinas à Lyon, Paris, Compiègne
Entre suite baroque et polyphonie à la Ligeti, voici du Levinas chimiquement pur : une merveilleuse oreille (ou une oreille pour le merveilleux),
une inquiétude historique, et la plus parfaite extravagance.
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PLUS NOIR QUE NOIR
Dowland, Hume, Filidei, Gander, Stangl, Lavandier...
Viole de gambe (Reiter), guitares (Pauwels) et voix (Dlouhy) : répertoires contemporain et élisabéthain se tissent ici
en un patchwork de miniatures empoisonnées et succulentes.
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SONGS OF DESPAIR AND HOPE
Aux Brigittines. Georges Crumb, Henry Cowell | Brueggergosmann, Octors, Fafchamps
Le vaste corpus des American Songbooks de George Crumb constituent un ambitieux archivage de la culture étasunienne au travers de ses chansons.
Dans les Songs of Despair and Hope, le compositeur arrange et harmonise une série de spirituals afro-américains.
Et bienvenue à la subl@°!°@ime soprano Measha Brueggergosman
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A RAINBOW IN CURVED AIR
Terry Riley, à Courtrai
Riche texture de boucles de claviers et de guitares sous l’emblème du chiffre 7,
dans une nouvelle version avec trompette, encore plus psychédélique que tout à l’heure.
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L'ACADEMIE
En partenariat avec la School of Arts de Gand et l'ensemble Spectra, nous poursuivons le programme de post-master en musique contemporaine, orienté à la fois vers les projets individuels et la constitution d'un ensemble, le GAME (Ghent Advanced Master Ensemble).
Nous souhaitons la bienvenue à la nouvelle promotion 17/18 : Elliott Harrison (percussion), Teresa Doblinger (clarinette), Maria Dominguez Perez et Catherina Roberti (piano), Ward Ginneber, (accordéon), Clara Levy (violon), An Zeeuwst (harpe) ...
... et bonne rentrée à leurs camarades de deuxième année : Kaja Farszky (percussion), Quentin Meurisse (piano), Erika Vega et Nina Fukuoka (composition), Ana Botelho (clarinette), Carlo Siega (guitare), Amaury Geens (saxophone).
Des collaborations avec PARTS, la contribition au symposium Sound & Participation (voir plus haut), une session d'improvisation longue-durée, la production d'un opéra de Tim Parkinson, des projets autour d'Hugues Dufourt, François Sarhan, Heine Avdal & Yukiko Shinozaki, entre bien d'autres choses, rythmeront cette année d'étude et de prospection.
A bientôt peut-être !
Jean-Luc Plouvier | Tom De Cock | Tom Pauwels