Jouer le minimalisme est un exercice particulier. Jürg Frey compose très bien, et il en parle très bien. Il y a la musique comme chemin et développement — ou comme Vouloir, si on veut. Et simultanément, la musique comme simple et calme expansion du sonore — comme lâcher-prise.
Paradoxe : le lâcher-prise, cette passivité active, demande plus d'énergie performative que l'expression. Une énergie capturée dans son état intermédiaire, tendue et retenue. La passivité active ne consiste pas à laisser aller le son comme il vient, mais à sans cesse résister d'y ajouter un signe d’expression supplémentaire.
L'aphorisme moderniste de Frank Stella, "what you see is what you see" (qu'on peut convertir : "ce que vous entendez n'est que ce que vous entendez"), qui répugne tant à Didi-Huberman ("victoire maniaque et misérable du langage") — est pourtant convoqué comme effort de départ.
N'ajouter rien : cet athlétisme. "Il n’y a rien d’autre que ce que vous entendez" demande un tel effort que c’est cet effort invisible, cette ascèse calme et farouche, qui vient finalement supplémenter et transfigurer le jeu instrumental.
...
(Dans les bons jours.)
Jean-Luc Plouvier