Télérama, 25/08/2012, Gilles Macassar : Michael Levinas : La Métamorphose (CD)
Inspiré par la nouvelle de Franz Kafka, l'opéra de Michaël Levinas est lui-même un ouvrage lyrique qui se métamorphose. En rituel religieux. Telle ritournelle de la mère de Gregor (magnifique Anne Mason) implorant son fils, qui évoque un stabat mater domestique. Telle tendre plainte de Gregor, victime méprisée, qui semble surgir de l'arioso d'une Passion de Schütz ou de Bach.
A l'Opéra de Lille, où La Métamorphose a été créée et enregistrée au printemps 2011, le metteur en scène (Stanislas Nordey) ne s'y est pas trompé, suspendant le personnage de Gregor à mi-hauteur du plateau, sur un Golgotha invisible, discrètement maintenu à un piton comme le Christ à sa croix. Dominant la couronne d'épines des âpres sonorités de l'Ensemble Ictus, le contre-ténor Fabrice di Falco, en évangéliste de sa propre misère, se confirme un interprète inspiré du répertoire contemporain. — Gilles Macassar
Forumopéra, September 2012, Laurent Bury
On ne prend pas les mouches avec du vinaigre, et même pour un opéra dont le personnage principal se transforme en insecte, « il ne s’agit pas de ‘mettre en musique’, d’habiller un texte par la musique », nous apprend le compositeur. Michael Levinas aime apparemment écrire des opéras, puisqu’il en est déjà à son quatrième depuis La Conférence des oiseaux en 1985. Mais comme il l’avoue, il privilégie les sources d’inspiration qui se refusent à toute représentation ; aux problèmes qu’il se pose ainsi, il déclare apporter des « solutions musicales ». Or le genre lyrique est aussi et surtout fait pour la scène ; que serait un opéra qui ferait fi du théâtre ? Pour adapter la nouvelle de Kafka, Michael Levinas a d’abord voulu travailler avec le dramaturge Valère Novarina, mais celui-ci a préféré lui dédier la pièce de théâtre Je, Tu, Il, dans laquelle le compositeur a taillé un prologue pour l’opéra, dont le livret est le fruit d’une collaboration à laquelle Novarina n’a finalement pas pris part. Prologue qui reflète tout à fait l’univers « novarinien », avec son goût des listes, de la grammaire, des formules répétées. Pas de personnage, mais des entités abstraites qui s’expriment tour à tour, parfois ensemble : trois des chanteuses de l’opéra (Magali Léger, Anne Mason et Julie Pasturaud) et une voix grave, celle d’André Heyboer.
Quant à l’opéra proprement dit, Levinas est parti de ce qu’il appelle « une situation théâtrale très puissante », celle d’un personnage qui parle mais que personne autour de lui n’entendrait. Il en est arrivé à l’idée du dédoublement, ou plutôt de la démultiplication électronique d’une voix elle-même double, celle du sopraniste Fabrice di Falco, aussi à l’aise dans l’aigu que dans l’extrême grave, équivalent sonore de la métamorphose subie par Gregor Samsa, le héros de Kafka. Et le résultat est impressionnant : il est peu de musiques qui suscitent en l’auditeur une pareille sensation de malaise, dès les premiers instants. Magali Léger, avec qui Levinas pianiste a enregistré La Bonne Chanson de Fauré en 2008, intervient dans les deux derniers madrigaux, avec une technique plus « artisanale » de sonorisation : la sœur de Gregor chante en tournant sur elle-même, produisant un hululement des plus étranges.
La répartition de l’action entre personnages est cependant mise à mal, avec ces voix qui s’expriment toutes en même temps, à des rythmes différents, mais en général avec une lenteur telle que les mots semblent se diluer. Tout cela est à peu près totalement inintelligible, l’œuvre étant divisé en cinq « madrigaux » dont les différents participants répètent les mêmes mots ad nauseam. Entre deux madrigaux surgit parfois comme une respiration un passage soudain compréhensible, sans brouillage ni bidouillage sonore : l’Imploration de la Mère (très émouvante Anne Mason), ou le monologue du Père (André Heyboer, aussi solide ici que dans un répertoire plus traditionnel) : à ces moments, le texte devient à peu près limpide, et l’on constate alors qu’il est sans grand intérêt. « Avez-vous pu comprendre le moindre mot ? Ne serait-il pas tout bonnement en train de nous prendre pour des imbéciles ? » ressasse le Fondé de pouvoir dans le Madrigal 2. Sans doute faut-il dépasser cette préoccupation, pour chercher le sens par-delà les mots : entre ces personnages, le dialogue est impossible mais les sentiments s’expriment à travers « l’abstraction polyphonique ». On entend beaucoup de nasillements (Gregor perd peu à peu la parole et, comme Jupiter dans Orphée aux Enfers, il n’a « droit qu’au bourdonnement »), d’onomatopées, de sons qui interpellent l’oreille par leur caractère inédit, mais il vaut sans doute mieux renoncer à vouloir suivre une action dans tout cela. De nos jours, il semble décidément bien difficile de combiner l’invention sonore – dont cette musique regorge incontestablement – et l’intérêt dramatique, qui est ici tout sauf flagrant. Une œuvre forte, oui, mais un opéra, vraiment ?
Hildegart Maertens, KWADRATUUR, September 2012 : Michaël Levinas: La Métamorphose (CD)
Is het operagenre een muzikaal atavisme dat krampachtig door een schare muzieksnobs schijnbaar levendig wordt gehouden? Natuurlijk niet. Jaar na jaar getuigen schitterende creaties van het standaardrepertoire in operahuizen wereldwijd dat de muziek en de inhoud ook vandaag nog iets kunnen betekenen, soms zelfs een regelrechte kritiek kunnen zijn op maatschappelijke toestanden in deze samenleving. Tegelijk is er een beweging hedendaagse componisten die onvoorwaardelijk geloven dat de zintuigen elkaar kunnen versterken, kortom dat de muzikale beleving er een kan zijn die door een sterke regie nog intenser wordt. Toch is vandaag een opera componeren geen eenvoudige opgave. Er stellen zich meerdere problemen simultaan, zoals ten eerste: van welk literair materiaal moet een componist vertrekken? Staan hedendaagse schrijvers garant voor hedendaagse opera's, zoals in het verleden uiteindelijk vaak gebeurde, of blijft men vandaag teruggrijpen naar de canon? Daarnaast is de muzikale taal een complex gegeven: welke instrumentatie dient gehanteerd, hoe zit het met de lengte van een opera, welke houding neemt de auteur aan ten overstaan van de tekst die hij of zij op muziek zet? Op heden zijn er geen regels meer, geen uitgangspunten waar men zomaar van kan vertrekken: elke noot, elk woord en elk instrument zal in vraag worden gesteld. De last om de pen ter hand te nemen en gelijk wat op papier te zetten, wordt kortom een immens gewicht.
De Franse pianist en componist Michaël Levinas weet maar al te goed dat componeren geen klus is die men op een week geklaard krijgt. Vertrekken van Franz Kafka, een auteur wiens donkerte men niet meteen met de opera in verband brengt, is daarenboven (bijna letterlijk) een sprong in het duister. Anderzijds zijn vandaag de middelen voor handen om een muzikaal universum op te roepen dat de teksten van Kafka als gegoten zit: de frictie tussen nachtmerrie en humor in een muzikaal idioom gieten dat even vaak doet glimlachen als doet huiveren, blijkt Levinas aan de hand van elektronica en obscure speeltechnieken te kunnen opwekken. 'La Métamorphose', een van Kafka's bekendste verhalen, is gemeengoed, dus Levinas neemt eigenlijk niet de moeite het verhaal keurig en afgelijnd in een opera te gieten. Atmosferen en commentaren zijn minstens even belangrijk, wat verklaart waarom een abstracte proloog naar een tekst van Valère Novarina als eerste luik in de opera ingebed zit. Er worden associatieve verbanden gelegd met de tekst van Kafka, en op een groter plan stelt Levinas ook de Joodse identiteit in vraag. Het cd-boekje bij deze uitgave laat een totale andere beluistering van de partituur toe: juist hoe on-Kafkaiaans bepaalde elementen zijn, gaat dan opvallen.
Zoals gezegd stak Levinas zijn psychedelische partituur vol met effecten, waarbij het gegeven van de metamorfose zich verder zet naar een muzikale transformatie. Hele klankwerelden botsen, verdwijnen in de plooien van een ander geluidsdeken, terwijl het geheel duidelijk blijft pulseren, als een organische improvisatie van een legertje instrumentalisten. Inderdaad krijgt 'La Métamorphose' nooit het aanschijn van een te sterk geconcipieerd stuk, terwijl het dat natuurlijk wel is. Levinas slaagde er gelukkig in de taal direct te houden, de horror onmiddellijk te laten gedijen, zonder zich te verliezen in een intellectualistisch kader op grondplan dat afleidt van de gruwelijke situatie die iemand nu eenmaal zomaar overvalt. Met het Ictus Ensemble vond Levinas overigens een stel musici die deze muziek laten klinken alsof ze er al jaren mee bezig zijn – of juist niet, alsof ze het ter plekke staan uit te vinden. De rijkdom aan klankwolken die nog geen vijfentwintig mensen hier samen verzorgen, is ronduit indrukwekkend. Een kokend, dampend en borrelend werkstuk waaruit telkens andere geuren en smaken naar boven komen: over 'La Métamorphose' is het laatste woord nog lang niet gezegd.
Concertonet.com, 15/08/2012**
Levinas : La Métamorphose (CD)
La création du plus récent opéra de Michaël Levinas, La Métamorphose d’après Kafka, eut lieu à l’Opéra de Lille en mars 2011. Capté lors des représentations des 11 et 13 mars, donc à distribution identique, l’opéra enregistré garde une grande force hors de l’espace scénique, force qui prend toute sa dimension par une connaissance de l’argument ou par la lecture simultanée du texte intégralement fourni. En cela, l’enregistrement rejoint l’esprit de Kafka, qui aimait à lire ses textes à haute voix et n’en voulait aucune représentation visuelle. Levinas met l’accent sur les thèmes de l’incommunicabilité et de l’aliénation. Pour cela, il a effectué un travail remarquable sur la voix, celle de Gregor, contre-ténor, électroniquement multipliée vers le grave, signe sonore d’une métamorphose d’avance achevée. Les autres voix pures, seules ou habilement superposées pour le plus heureux effet expressif, filent les sons sans artifice (elles peuvent émouvoir) ou dans une semi-Sprechstimmemélodique ou dramatique toujours stylisée. Le trait récurrent des lignes vocales étirées est un long glissandodescendant, assez expressionniste. L’écoute seule met en relief la richesse du substrat orchestral, les associations instrumentales aux rehauts électroniques créant des timbres très variés et le caractère des choix instrumentaux transformant le petit orchestre en commentateur illustratif, au besoin, tel un chœur antique. L’opéra est précédé de Je, tu, il, un prologue sur un livret de Valère Novarina dont le traitement relève peut-être davantage du théâtre musical (æon AECD 1220). CL
PERSOVERZICHT, NL
Michaël Levinas is een gecultiveerd man en een taalliefhebber. Hij is als musicus dan ook bijzonder gefascineerd door de verhouding tussen tekst en muziek in de opera, en houdt er zich als geen ander mee bezig. (…) Levinas schuwt het fysieke of zelfs dierlijk aspect van de stembanden niet die hij virtueel verlengt door middel van elektronica ontwikkeld aan het IRCAM.
Christian Merlin, Le Figaro
… alsof deze jubelende klaagzang ondanks ons en in ons haar eigen metamorfose te weeg brengt
Marie-Aude Roux, Le Monde
Het Brusselse Ictus Ensemble, sinds 2004 in residentie in de Opera van Rijsel wordt vakkundig en met precisie gedirigeerd door Georges-Elie Octors. Het ruist, gromt en ademt als een volwaardig personage, en beweegt zich voort als een duizendpoot, verrijkt in real time door een indrukwekkende elektronisch apparaat dat ook de stemmen ontdubbelt, zoals die van Gregor, in nauwe samenhang met de synthesizerpartijen, dopplereffecten en elektronische percussie-effecten, terwijl de stem van de Zuster terechtkomt in een wervelwind en als een ster om haar as draait.
Bruno Serrou, anaclase.com
In de orkestbak van de Opera van Rijsel, omgetoverd tot laboratorium onder leiding van Georges-Elie Octors en met medewerking van Sylvain Cadars, geluidstechnicus bij het Ircam, jongleert het Ictus Ensemble virtuoos met de akoestische en elektroakoestische elementen (vooraf opgenomen of live gespeeld op Midi-klavieren) van een fascinerende, hevige maar verfijnde partituur die tegelijk ook angstwekkend en psychedelisch klinkt. Het leek misschien een onmogelijke onderneming, maar met zijn bewerking van La Métamorphose zet Michaël Levinas een sterk, samenhangend en bijzonder geslaagd werk neer dat evenzeer beklemt als bevraagt.
Bernard Schreuder, forumopera.com
REVUE DE PRESSE, FR
Homme de culture et amoureux des mots, Michaël Levinas est un des musiciens qui posent aujourd'hui avec le plus d'acuité la question du rapport entre texte et musique à l'Opéra. (…) Levinas n'a pas peur du coté physique, voir animal des cordes vocales, qu'il prolonge grâce aux hybridations rendues possibles par l'électronique de l'IRCAM.
Christian Merlin, Le Figaro
… comme si cette musique de plainte jubilatoire opérait malgré nous et en nous sa propre métamorphose.
Marie-Aude Roux, Le Monde
Dirigé avec habileté et précision par Georges-Elie Octors, l’ensemble bruxellois Ictus, en résidence à l’Opéra de Lille depuis 2004, est remarquable, bruissant, grondant, respirant comme un personnage à part entière, tel un mille-pattes, enrichi d’un impressionnant matériau informatique en temps réel qui démultiplie aussi les voix, particulièrement celle de Gregor, associée à des claviers électroniques, des effets doppler et des chutes de percussion, tandis que la voix de la Sœur est prise dans un tourbillon, tournant sur elle-même à la façon d’un astre.
Bruno Serrou, anaclase.com
Dans la fosse de l’Opéra de Lille transformée en laboratoire sous la direction de Georges-Elie Octors et avec le concours de Sylvain Cadars, ingénieur du son à l’Ircam, l’ensemble Ictus jongle en virtuose avec les composantes acoustiques et électro-acoustiques (préenregistrées ou jouées en direct sur des claviers Midi) d’une partition fascinante, violente mais raffinée, anxiogène et psychédélique. Le pari pouvait sembler un peu fou, mais en adaptant La Métamorphose, Michaël Levinas signe une œuvre forte, cohérente et très aboutie, qui étreint autant qu’elle interroge.
Bernard Schreuder, forumopera.com
(...) l’œuvre offre l’alliance parfaite entre musique instrumentale et électronique (Lévinas ayant recours aux technologies de l’Ircam pour faire chanter Gregor Samsa devenu blatte), dans un grand flux hypnotique de musique qui rappelle celle du Québecois Claude Vivier.
Laurent Vilarem, La Lettre du Musicien