PROGRAMME
Gérard Pesson: Nebenstuck,
for clarinet and string quartet
(1998)
Christopher Fox: Clarinet Quintet,
for clarinet and string quartet
(1992)
Gavin Bryars: The Sinking of the Titanic
for string quartet and tape
(1969)
Philip Glass: Violin solos
from Einstein on the Beach
(1976)
CAST
Dirk Descheemaeker, clarinet
George van Dam, violin
Igor Semenoff, violin
Aurélie Entringer, viola
Geert De Bièvre, cello
PRODUCTION
Opéra de Lille, Ictus
AT THE BOTTOM OF THE SEA
“The reason this ballad by Brahms has haunted me for so long is because in my memory it has always sounded the same, rusting away slowly, like an object at the bottom of the ocean,” Gérard Pesson wrote about Nebenstuck. This arrangement of one of the most popular pieces of romantic music succeeds in reproducing the impression of our memory at work, obsessed as it is by a fleeting object that becomes all the more sublime because it is so vague and so difficult to capture.
Gavin Bryars, meanwhile, tries to imagine what the band on the RMS Titanic must have sounded like as the ocean steamer’s bow slowly sank in ice-filled waters, and its musicians, compelled by duty, continued to play noble hymns until the very end.
OP DE BODEM VAN DE ZEE
“Deze ballade van Brahms heeft zich genesteld in mijn geheugen waar ze langzaam is aangetast, zoals een voorwerp op de bodem van de zee”. Dit schreef de Franse componist Gérard Pesson over Nebenstück. Zijn bewerking van een van de evergreens van de romantische muziek laat het geheugen horen dat een dierbare herinnering tracht op te roepen. Geobsedeerd door de muziek die dreigt te vervliegen ontstaat er een subliem distillaat dat schittert in zijn breekbare vergankelijkheid.
Gavin Bryars tracht zich op zijn beurt in te beelden hoe het orkest van de Titanic klonk toen het stoomschip traag zonk in het ijskoude water, en hoe de plichtsbewuste muzikanten bleven spelen tot aan het bittere einde.
AU FOND DE L'EAU
Cherche-t-on à mettre en mots les plus fines sensations produites par la musique, que les métaphores aquatiques invariablement surgissent. On connaît le vers si romantique de Baudelaire, « La musique souvent me prend comme une mer ! », anticipant la description du « sentiment océanique » qu’analysera plus tard Romain Rolland à l’occasion de sa correspondance avec Freud — soit un jaillissement vital « sans bornes perceptibles », agissant (écrit Rolland) « comme une nappe d’eau que je sens affleurer sous l’écorce ».
Dans un registre quelque peu différent, c’est encore l’élément liquide qui est incessamment invoqué par Claude Debussy pour définir son idéal de fluidité, l’idéal d’un art « inscrit dans la Nature » (puisque c’est bien en la Nature et en elle seule que le musicien véritable est supposé trouver « son Conservatoire »). La surabondance de titres aquatiques dans le catalogue debussyste se passe de commentaire : En bateau, Sirènes, Jeux de vagues, Poissons d’or, La Cathédrale engloutie, La Mer, Ondine, La Pluie du matin… Les virils détracteurs de Debussy en firent d’ailleurs aliment pour l’injure : « La musique de Debussy est molle, trempée, dégoulinante », écrivait le peintre Alberto Savinio. (1)
Le troisième registre aquatique, celui dont traite le concert de ce soir, est celui de l’Engloutissement. La métaphore de l’eau ne vise plus cette fois l’extase océanique ou la courbure tremblante du jet d’eau, mais évoque le champ infini, calme, sous-marin et ombré, dynamique pourtant, de la Mémoire. « Si cette ballade de Brahms m'a tant habité, c'est que je ne l'ai plus jamais entendue autrement que dans ma mémoire où elle s'est peu à peu oxydée, comme un objet tombé à la mer », écrit Gérard Pesson au sujet de Nebenstuck. Cet arrangement de l’un des tubes de la musique romantique reproduit l’impression de la mémoire au travail, obsédée par son objet en fuite, lequel devient plus sublime encore d’être vague et insaisissable.
Gavin Bryars, né en 1943 en Grande-Bretagne, représente une intéressante dissidence british du minimalisme américain. Moins formaliste que celle d’un Philip Glass ou d’un Steve Reich, la musique de Bryars intègre souvent des éléments fictionnels ou conceptuels (il faut signaler au passage que ce compositeur est un membre actif du glorieux Collège de Pataphysique, fondé en 1948 à Paris en hommage à Alfred Jarry). Dans The Sinking of the Titanic, le compositeur tente de figurer comment pouvait sonner l’orchestre du Titanic tandis que le paquebot s’enfonçait dans les flots. À partir de l’étude d’une masse considérable de documents d’archive, Bryars a reconstitué oniriquement la scène du naufrage, que l’on peut imaginer comme ceci : les musiciens de l’orchestre de bord, d’une impeccable dignité dans le sacrifice d’eux-mêmes, fidèles jusqu’au bout à leur devoir — ainsi que le rapportèrent d’ailleurs tous les journaux de l’époque — enchaînent les hymnes les plus nobles tandis que l’eau monte doucement dans la salle de bal du paquebot. L’épisode bruité qui ouvre la pièce s’inspire du témoignage des survivants, décrivant le choc du navire sur l’iceberg tel qu’ils l’ont acoustiquement perçu : « … comme la clameur de 100 000 spectateurs lors d’une coupe du monde », relatait l’un ; « un gigantesque chien broyant dans sa gueule le corps d’un chaton », disait un autre. La mémoire de l’archive historique est déployée par Gavin Bryars jusque dans la délicate mélodie de boîte à musique qui se met en route vers la fin de l’œuvre : il s’agit de La Maxixe, chanson à la mode que la journaliste Edith Russell faisait tourner pour les enfants du canot de sauvetage afin de conjurer leur frayeur, à partir d’un petit cochon mécanique qui ne quittait jamais son sac à main. Mais le cochon, comme on sait, n’est pas un poisson : la bonne musique demande un peu de dialectique. Bon concert !
(1) Voir Francesco Spampinato : Debussy, poète des eaux, L'Harmattan, 2011
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Agenda for this project
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Sat 07.03 At The Bottom of the Sea Wilde Westen - Kortrijk - Belgium