WORLD PREMIERE !
Opéra de Lille, March 13th, 2016
MUSIC
WOLFGANG MITTERER
Scored for 5 singers, 8 chorus soloists, an ensemble of 11 instrumentalists
(flute, clarinet, trumpet, trombone ; piano, e-guitar, percussion ; 4 strings)
and electronics
Conductor
CLEMENT POWER
Stage director
LUDOVIC LAGARDE
Original libretto
GERHILD STEINBUCH
Originally written in German
English adaptation by
DOUGLAS DEITEMEYER
VOCAL CAST
Marta : ELSA BENOIT
Grot : GEORG NIGL
Ginevra : URSULA HESSE VON DEN STEINEN
Arthur : MARTIN MARAINGER
Captain : TOM RANDLE
*
Voice coach :
CHRISTOPHE MANIEN
ICTUS ensemble
Michael Schmid, Benjamin Dieltjens, Philippe Ranallo, Alain Pire,
Kobe Van Cauwenberghe, Jean-Luc Plouvier, Tom De Cock,
George van Dam, Aurélie Entringer, François Deppe, Hugo Abraham
Vocal ensemble
LES CRIS DE PARIS,
directed by GEOFFROY JOURDAIN
ARTISTIC CREW
Dramaturgy MARION STOUFFLET
Scenography ANTOINE VASSEUR
Light designer SEBASTIEN MICHAUD
Costume designer MARIE LA ROCCA
Make-up and hair designer CECILE KRETSCHMAR
Assistant director CELINE GAUDIER
Movement coach STEFANY GANACHAUD
PRODUCTION
Commission and production:
OPERA DE LILLE
World Premiere : March 13th, 2016, in the Opéra de Lille
Reprise : Opéra de Reims
- "the loveliest doll child, world dreams, world marvels, world smiles"
- "sleep that destroys all !"
- "the crown is poisoned, do you feel it ?"
- Wolfgang Mitterer | Gerhild Steinbuch | Elsa Benoit | Ludovic Lagarde | Clement Power | Georg Nigl
A man and a woman. The woman is Ginevra. A day, idyllic.
The couple’s son has disappeared.
A fight breaks out.
(...)
New production at the 'Opéra de Lille'.
Precise, lavish, rich in micro-details that constantly revitalise the listening experience, Wolfgang Mitterer's electronic sounds go perfectly with the narrative of an opera. After the slightly punkish treatment of Elizabethan theatre ("Massacre", inspired by the work of Christopher Marlowe, 2003), Mitterer joined forces with the Austrian writer Gerhild Steinbuch to create a post-apocalyptic fiction steeped in medieval legends.
In a world rent asunder by a dreadful melancholy, ruled by a King Arthur who has been rendered powerless, bewildered, some crazy redeemer has made all the children disappear... The only remaining child is the Queen's daughter, Marta, an ageless doll, whose hair is continually being combed by her mother. Within her glass cage, Marta is given over for the adoration of the people: the final vestige of a doomed world. Poised between sleep and fear, between lynching and fires, in the blinding glare of an irradiated world, death is spreading relentlessly.
Een nieuwe productie in de Opera van Lille.
De muziek van Wolfgang Mitterer is harmonisch, precies en gedetailleerd zonder ruimte voor improvisatie op te offeren. Na zijn anarchistische behandeling van het Elizabethaans theater (“Massacre”, naar Christopher Marlowe, 2003), slaat Mitterer de handen ineen met de Oostenrijkse schrijfster Gerhild Steinbuch. Samen schreven ze een post-apocalyptische fictie, doorweven met Middeleeuwse legenden.
De plot: in een gruwelijk mistroostige wereld, geregeerd door een machteloze en ontspoorde Koning Arthur, heeft een of andere gestoorde messias alle kinderen doen verdwijnen ... Het enige overblijvende kind is Marta, de dochter van de koningin, een leeftijdloos meisje dat steeds weer opnieuw door haar moeder wordt opgemaakt. In haar glazen kooi wordt Marta overgeleverd aan de bewonderende blikken van het volk: het laatste spoor van een vergane wereld. Tussen slaap en angst, tussen slachtpartijen en brandhaarden, in het verblindende licht van een radioactief besmette wereld, grijpt de dood onverbiddelijk om zich heen.
Dans la presse
Le monde, réel et virtuel, est pour Mitterer comme une immense bibliothèque sonore dont il puise savamment les références pour créer un genre nouveau.
Sonia Hossein-Pour, Forum Opera, 13 mars 2016
Une finesse mélodique rare dans l'opéra contemporain
Bruno Serrou, La Croix, 15 mars 2016
Saisissante création lyrique
Benoît Fauchet, Diapason, 15 mars 2016
Marta, le nouvel opéra du compositeur autrichien Wolfgang Mitterer est un conte, projetant de manière percutante et radicale une vision terrifiante de l’avenir de l’humanité
Michèle Tosi, Resmusica, 17 mars 2016
Une nouvelle production de l'Opéra de Lille
Précise, foisonnante, riche en micro-détails qui relancent sans cesse l’écoute, l’électronique de Wolfgang Mitterer se marie à merveille avec la conduite narrative d’un opéra. Après le traitement légèrement punk du théâtre élisabethain (Massacre, d’après Christopher Marlowe, 2003), Mitterer s’est associé à l’écrivaine autrichienne Gerhild Steinbuch pour concevoir une fiction post-apocalyptique irriguée de légendes médiévales.
Dans un monde ravagé par une mélancolie atroce, où règne un Roi Arthur réduit à l’impuissance et à l’égarement, quelque rédempteur fou a fait disparaître tous les enfants... Seule est demeurée la fille de la reine, Marta, poupée sans âge inlassablement peignée par sa mère. En sa cage de verre, Marta est livrée à l’adoration du peuple : dernière trace d’un monde en perdition. Entre sommeil et peur, entre lynchage et incendies, dans l’aveuglante lumière d’un monde irradié, la mort se propage irrésistiblement.
Dédoublements
Au sujet de la musique de Marta, par Jean-Luc Plouvier
Pop Wien !
On parle parfois, comme par boutade, d’une “troisième école de Vienne” qui nous serait contemporaine. Chacun dans son idiome singulier, les compositeurs viennois Eva Reiter, Bernhard Lang et Wolfgang Mitterer (pour ne citer que les plus éminents) partagent en effet quelques traits qui les rassemblent : une façon désinhibée de s’alimenter à toutes les musiques du passé et du présent (musique écrite de tradition classique, électronique expérimentale, jazz et pop) ; une certaine manière de stimuler l’auditeur en le faisant balancer entre kitsch et sublime ; et une adéquation avec un présent machinique, robotique, saturé d’information digitale — sinon que l’esthétique de ces artistes consiste plutôt à dévoiler la défaillance de la machine, son imprévisibilité, ses bugs. De tout cela émerge un univers musical feuilleté et paradoxal, un plurivers onirique où les niveaux de réalité s’entrechoquent.
Une fissure dans la réalité
Le livret de Marta, précisément, nous introduit à un étrange espace-temps. « Le passé n’est pas mort. Il n’est même pas passé », écrivait William Faulkner. Lorsque l’opéra commence, sur fond d'une catastrophe farouchement niée, quelque chose s’est déjà dédoublé dans le tissu de la réalité. L’aveuglement auquel participent tous les protagonistes, qui ne veulent rien savoir du désastre qui est le leur, s’accrochant au passé, à des chimères ou à leur sinistre pouvoir — cet aveuglement réduit leur vie à un mince filet de sommeil. Il n’empêche : en double fond, l’énigme terrifiante de l’escamotage des enfants hante leurs jours sous forme de rêves, de paroles inquiètes, de brutalités insensées.
La vocalité de Marta
Ce dédoublement trouve sa traduction sensible à tous les niveaux de la musique de Wolfgang Mitterer, sous forme d’oppositions et de contradictions parfaitement audibles. Vocalement d’abord, nous saisissons d’emblée un contraste maximal : d’un côté, les mélodies des chanteurs solistes, épousant « classiquement » le texte, sont silhouettées à l’intérieur de larges tessitures qui autorisent toutes les nuances du pathos. Le compositeur a clairement opté pour la caractérisation de personnages tourmentés, là où le livret aurait tout aussi bien prescrit une dévitalisation volontairement monotone (le rôle du roi Arthur, par exemple, est confié à un ténor aigu poussé à l’extrême de son registre, tandis que la noblesse du titre invitait classiquement à choisir une basse quelque peu “patriarcale”). D’un autre côté, la sonorité du choeur, nuageuse, texturale, se trouve comme embourbée dans la lâcheté indifférente des foules somnambuliques et sourdement violentes.
Le travail instrumental, l’espace acoustique
Instrumentalement ensuite, le travail du petit ensemble de onze musiciens dispose en face-à-face un quatuor de cordes et un quatuor de vents (le trio guitare/percussion/piano ponctuant leur joute). Les cordes travaillent une pâte harmonique riche et fluide, de couleur allusivement “romantique” — on pense plus d’une fois à Alban Berg, voire à Bruckner. Les vents développent par contre une virtuosité hâtive qui évoque par instants le free jazz. Les rôles s’échangent quelquefois.
La qualité de l’espace acoustique, elle aussi, est duelle : les vingt-deux épisodes de rêve dont Gerhild Steinbuch a émaillé son livret (« Connaissez-vous une seule pièce, un seul opéra aussi saturé de séquences de rêves ? », nous lançait Ludovic Lagarde) sont audiblement signalés par le compositeur au moyen de dilatations oniriques de l’espace sonore — par la grâce d’une électronique très “cinématographique”, faisant usage de temps de réverbération irréels allant jusqu’à 100 secondes.
Dérèglement
La manière dont l’importante partie électronique (pré-enregistrée mais lancée par fragments, en temps réel, par le pianiste) s’entrelace aux parties vocales et instrumentales, témoigne par contre d’une pensée musicale visant bien au-delà des effets de contraste. C’est là que s’exprime au mieux l’originalité du travail de Wolfgang Mitterer.
Il est préalablement intéressant de noter que Mitterer, organiste et familier de la musique de Bach, est également coutumier des improvisations sur grandes orgues, au cours desquelles il explore les ressources de l’instrument jusqu’aux limites de son déréglement. Et c’est toujours en organiste, et selon le même esprit d’une quête de “l’erreur fertile”, qu’il aborde la composition électronique. Les sons mis en œuvre dans Marta proviennent de la volumineuse collection du compositeur, patiemment constituée sur plus de trente années — qu’il s’agisse d’échantillons bruts braconnés dans le stock illimité de la “poubelle digitale” qu’est l’Internet (et souvent marqués de cette origine triviale) ou de véritables pièces de dentelle numérique savamment façonnées en studio. Mais cela ne lui suffit pas. Plus de 95% des parties électroniques de Marta, explique Wolfgang Mitterer, au bout de leur passage à travers les multiples filtres du studio, sont finalement jouées par le compositeur : harmonisées, “rythmisées”, “mélodisées” comme à l’orgue par le compositeur, sur le clavier de son synthétiseur.
Entre jeu et foisonnement
C’est ce passage par le jeu — par le corps — qui donne à l’électronique mittererienne cette allure si personnelle, instantanément reconnaissable.
Electronique foisonnante d’un côté (le studio et sa longue patience) : ce sont par exemple ces courtes saillies électroniques nasillardes et nerveuses, invariable signature des oeuvres de Mitterer, qui semblent avoir franchi par hasard la cloison d’un univers parallèle où menaceraient des anges moqueurs.
Et tout à la fois, une électronique humaine, habitée par l’esprit de l’improvisation et sa dynamique de phrasé : « La bonne musique se nourrit d’improvisation, comme l’âme se nourrit du rire », déclare-t-il joliment (1).
Une place pour la créativité de l’interprète
Il arrive fréquemment, dans le processus de composition de Mitterer, que l’électronique soit produite comme couche première, et que l’écriture au sens traditionnel du terme ne vienne alors qu’en second. Ainsi l’écriture instrumentale (et même vocale, quelquefois) est-elle souvent mise au défi de suivre une trame conductrice élaborée en studio. Une partie du travail d’écriture de Marta a donc consisté à « repeindre » (c’est le mot du compositeur) la matrice de musique électronique avec les couleurs de l’ensemble instrumental pour lui injecter du souffle, de l’épaisseur, et pour mieux faire saillir les points d’accentuation des phrases. Ce travail est particulièrement audible dans l’écriture des vents, dont les traits virtuoses poussent l’interprète aux limites du possible.
Quelques mois avant la première répétition, le chef d’orchestre Clement Power jugea d’ailleurs nécessaire d’écrire aux musiciens d’Ictus pour leur rappeler qu’une des indications favorites de Mitterer était : « le plus vite possible » ; qu’il aurait certes pitié d’eux ; mais somme toute pas tellement ; et qu’ils devaient surtout comprendre que les impossibles traits d’orchestre « sont essentiellement une base pour des textures et des gestes improvisés ». Autrement dit : la vitesse, le flux, l’énergie de défilement sont prioritaires et sans compromis possible ; mais la partition propose, et l’instrumentiste dispose. Tous les musiciens ont reçu à l’avance les parties électroniques, pour en saisir l’esprit et adapter leur propre contribution à la couleur d’ensemble.
Surgir
Ainsi Wolfgang Mitterer répond-il au défi d’un “opéra contemporain” par une oeuvre à la fois pragmatique et visionnaire. Ce natural born musician n’est pas adepte de l’anti-jeu : ici, les voix chantent, l’harmonie exprime, la musique serre le texte au plus près. D’étranges distorsions, pourtant, interrogent sans cesse l’attention de l’auditeur. Le son un peu brut, presque “paniqué” du jeu semi-improvisé, colore l’ensemble instrumental d’une vivacité fragile et tremblante, rarement entendue dans une fosse d’orchestre. Le rôle ambigu des parties électroniques, surtout — tantôt fondues à la sonorité d’ensemble, tantôt l’attaquant comme un virus — donnent à la musique de Mitterer son allure de thriller et sa tonalité un peu paranoïaque : lorsque le réel se fissure, alors à tout moment, du proche comme du lointain, tout peut surgir.
(1) Cité par Thomas Miessgang dans Apprendre à penser à plusieurs voix ; texte édité dans la brochure du festival Musica de Strasbourg, 2008.
Un conte qui nous renvoie à notre présent
Ludovic Lagarde, mise en scène
Propos recueillis par Lola Gruber, 10 décembre 2015
Icône et poupée
Marta nous projette dans un monde où tous les enfants ont disparu. Quand on découvre l’héroïne, elle est une poupée. Sa mère, Guenièvre, l’a sauvée du massacre, mais pas pour qu’elle grandisse ou pour qu’elle s’épanouisse : pour qu’elle reste une poupée dans une boîte en verre. Vivant depuis quinze ans dans cet état, Marta, seule rescapée, est devenue une icône pour le peuple. C’est presque une déesse, un symbole de résurrection. La dramaturge, Gerhild Steinbuch, m’a dit ne pas y avoir pensé, mais n’oublions pas que dans l’Ancien Testament, Marta –Marthe –est la sœur de Lazare, et le témoin de la résurrection... Sauf que Marta n’est pas qu’une poupée ou une icône, elle est vivante et elle va sortir de sa prison, de sa condition fantomatique, pour s’incarner et devenir une jeune femme. Elle va alors demander des comptes, apprendre et comprendre ce qui s’est passé pour tenter de reconstruire un avenir. Et cela va finir tragiquement...
Un monde en plein cataclysme
Marta s’adresse à l’inconscient collectif, c’est ce qui en fait une œuvre d’aujourd’hui. Il y a dans le monde actuel une sensation de la catastrophe : un climat qui se réchauffe, des glaciers qui fondent, des incendies partout. Quelque chose est en train de se passer : que ce soit la place de l’homme sur la planète, la crise des réfugiés, la crise économique, le terrorisme...Tout cela crée une sensation de désastre assez particulière. Imaginer aujourd’hui un avenir heureux et une planète heureuse, des utopies jolies dans notre Occident, ça me semble assez difficile. Cette dimension plus ou moins consciente de la catastrophe à venir ou en train d’arriver est assez prégnante, et Marta nous renvoie à notre présent. Mais la vision est ici radicale : on est en plein cataclysme, le monde brûle, les enfants ont disparu... C’est une façon drastique de dire ce qui est aujourd’hui pour beaucoup de gens une sensation inconsciente. Quand on aborde Marta, il est évident qu’on se trouve dans conte et pas dans une réalité. Au premier abord, cela ne ressemble à rien de connu. Un drôle de mélange entre Tarkovski et Walt Disney ! On peut aussi penser à des vieux films de science fiction, comme Soleil Vert. On est presque dans l’anticipation, dans une sorte de futur cauchemardé.
Rêves et cauchemars
Dans l’action de Marta arrivent sans cesse des perturbations portées par des rêves. À l’intérieur des scènes, la musique change pour passer à un registre onirique : rêves d’autrefois – qui peuvent être nostalgiques –, visions, rêves du futur... Peut-être sommes- nous dans l’univers mental d’un cauchemar, ou plutôt d’un double cauchemar. Cette dimension du livret rend le travail passionnant, puisque nous allons devoir créer une dimension onirique à l’intérieur d’un univers qui l’est déjà. Pour la mise en scène, la scénographie, la lumière, cette structure particulière va entraîner des bascules, des syncopes. Le récit est sans cesse rythmé, troué ou perturbé par la dimension onirique, et cela se traduira dans le travail sur l’espace, la lumière, la vidéo. L’action pourra ainsi s’accélérer ou ralentir, se suspendre ou s’épaissir, devenir plus plastique...
Une écriture musicale au service du projet théâtral
J’ai travaillé pour la première fois avec Wolfgang Mitterer en 2008, lors de la création française de Massacre, un opéra adapté de Massacre à Paris de Christopher Marlowe, une pièce élisabéthaine sur le massacre de la Saint-Barthélemy. Cela aura été une très belle rencontre de travail, une aventure dans laquelle je me suis beaucoup investi et qui m’a passionné.
Lorsqu’on écoute Mitterer pour la première fois, c’est très fort, très intense, il faut ensuite prendre le temps de discerner et de comprendre pour pleinement rentrer dans sa musique... Ce que l’expérience du plateau et le processus de répétitions révèlent, c’est que son écriture musicale est au service du projet théâtral, c’est vraiment une écriture pour la scène. Il y a des conflits, des situations, et Mitterer aime créer des circulations musicales à l’intérieur d’une scène : il va arrêter l’action, l’approfondir, la rendre plus complexe. Dans le cas de Marta, dont le livret est écrit par une dramaturge, le lien au théâtre reste très fort.
Une mise en perspective constante
Mitterer travaille constamment sur des axes différents : la fable est enrichie, amplifiée, rendue plus polysémique, ou alors elle prend une dimension historique. Cette mise en perspective constante est un trait remarquable de son écriture, probablement lié à sa façon très spécifique de mixer instruments live et électronique. Pour prendre une métaphore linguistique, on pourrait dire que Mitterer compose sur deux axes : il définit un premier axe syntagmatique – une phrase linéaire, une histoire racontée –, pour y opérer ensuite des carottages, en travaillant également sur un axe vertical qu’on pourrait qualifier de paradigme.
Dans Massacre, on pouvait avoir, par exemple, une première strate se référant à 1472, et puis Mitterer faisait remonter Bach dans une seconde strate... mais on demeurait pourtant dans une esthétique très contemporaine, liée à l’histoire récente. On retrouve cela dans Marta : dans l’un des tableaux, Mitterer fait monter dans sa musique des traces de Gesualdo, de musiques de la Renaissance, ce qui donne au moment une dimension historique particulière.
Espaces virtuels et espaces réels
Avec Antoine Vasseur, nous avons imaginé une scénographie qui puisse raconter le château et les différents lieux de l’action. Pour figurer ce monde étrange, nous nous sommes inspirés des images de data centers en Arizona. Toutes les données informatiques vont directement dans ces endroits très particuliers, complètement électroniques et en plein désert américain, où se trouve tout le monde virtuel de nos données. Ce double monde de la Toile, entre virtuel et tangible, m’a servi d’idée directrice. Dans le livret, on sent une dualité entre le monde extérieur qui brûle – on image dehors les exodes, un monde atroce, qui crame, là où les enfants sont enterrés –, et le palais, ce huis-clos où vit la famille qui détient le pouvoir. Mais ces univers sont poreux, et ce château qui peut sembler un abri est aussi une construction mentale.
Archétypes et paroxysmes
L’opéra a besoin d’une netteté du signe envoyé, d’une puissance de l’image que ne requiert pas le théâtre. La musique projette de l’énergie et du sens et doit trouver un contrepoint sur la scène qui la fasse résonner et dialogue avec elle. Il faut davantage oser ce geste à l’opéra, où l’énergie musicale, l’expressivité du chant livrent des affects de manière explosive, rapide, sans passer par une construction psychologique. On rentre tout de suite dans le vif du sujet. Dans Marta, on est plongé dès le début dans une situation de paroxysme. Tout y est exacerbé, la mélancolie comme la violence, les sentiments sont très extrêmes, les archétypes très forts. Au théâtre, le texte, la durée et l’ordonnancement du travail font qu’on ne va pas démarrer pied au plancher de la même manière. Sans la musique, ces paroxysmes paraîtraient ridicules, on serait au guignol ! Mais je sais que le matériau confié aux chanteurs – qui se trouvent ici être également d’excellents acteurs – va apporter de la complexité à ces situations archétypales.
Une forme particulière de romantisme
J’ai eu la chance de passer du temps dans le studio de Wolfgang Mitterer à Vienne, et j’imagine l’émotion que nous allons pouvoir créer. Dans son – très beau – studio, il y a deux immenses écrans entourés par un dispositif sonore qu’il a construit, sur lesquels défilent simultanément la partition pour orchestre et la partition électronique. Il m’a joué tout l’opéra – les parties électroniques mais il m’a aussi chanté un peu certains airs – et là, j’ai eu l’intuition, la sensation de ce qui existe de très romantique dans sa musique, une forme particulière de néoromantisme allemand “détuné”... J’ai pu entrevoir ce que cet opéra serait, et je crois que l’ensemble du dispositif scénique, du chant et de la musique va produire de la beauté et une très grande émotion. Et c’est ce qui me motive, au fond : que tous puissent ressentir cette force.
Press
Agenda for this project
- Date Show Location
-
Sun 13.03 MARTA (Mitterer/Steinbuch) Opéra de Lille - Lille - France
MARTA (Mitterer | Steinbuch | Lagarde)
start: 16h New opera by Wolfgang Mitterer. Original libretto by Gerhild Steinbuch. Staged by Ludovic Lagarde. read more -
Tue 15.03 MARTA (Mitterer/Steinbuch) Opéra de Lille - Lille - France
MARTA (Mitterer | Steinbuch | Lagarde)
start: 20h New opera by Wolfgang Mitterer. Original libretto by Gerhild Steinbuch. Staged by Ludovic Lagarde. read more -
Thu 17.03 MARTA (Mitterer/Steinbuch) Opéra de Lille - Lille - France
MARTA (Mitterer | Steinbuch | Lagarde)
start: 20h New opera by Wolfgang Mitterer. Original libretto by Gerhild Steinbuch. Staged by Ludovic Lagarde. read more -
Sat 19.03 MARTA (Mitterer/Steinbuch) Opéra de Lille - Lille - France
MARTA (Mitterer | Steinbuch | Lagarde)
start: 20h New opera by Wolfgang Mitterer. Original libretto by Gerhild Steinbuch. Staged by Ludovic Lagarde. read more -
Mon 21.03 MARTA (Mitterer/Steinbuch) Opéra de Lille - Lille - France
MARTA (Mitterer | Steinbuch | Lagarde)
start: 20h New opera by Wolfgang Mitterer. Original libretto by Gerhild Steinbuch. Staged by Ludovic Lagarde. read more
- Date Show Location
-
Tue 19.04 MARTA (Mitterer/Steinbuch) Opéra de Reims - Reims - France
MARTA (Mitterer | Steinbuch | Lagarde)
A new opera by Wolfgang Mitterer. Original libretto by Gerhild Steinbuch. Staged by Ludovic Lagarde.
New opera by Wolfgang Mitterer. Original libretto by Gerhild Steinbuch. Staged by Ludovic Lagarde. read more